« Dans la prise en charge globale des personnes fragilisées par la vie ou la maladie, mise en place par les professionnels du médical et du social, la socio-esthétique est une action complémentaire qui participe à un accompagnement corporel de la souffrance et de la douleur par l’écoute et le toucher pour un mieux-être, la reconstitution de l’image de soi - et donc de l’estime de soi, et la resocialisation pour redonner la confiance pour aller vers les autres ». C’est en ces termes que Guillaume Adam, délégué général de l’association Belle & Bien, définit cette pratique qui répond aux besoins de femmes fragilisées par une maladie, un handicap, la vieillesse, ou en détresse sociale.
La beauté au service de la maladie
Chute des cheveux, sécheresse et éruptions cutanées, hyperpigmentation de la peau, allergies, ongles abîmés : les traitements contre le cancer peuvent causer de nombreux effets physiques indésirables, qui peuvent eux-mêmes impacter le bien-être des patientes, déjà malmené par la maladie et le parcours de soins. C’est sur ces deux plans, physique et psychologique, que se concentre l’association Belle & Bien, fondée en 2001, l’une des pionnières en matière de socio-esthétique, et plus spécifiquement d’onco-esthétique, aux côtés des Centres de Beauté du CEW France.
La centaine de bénévoles esthéticiennes et accompagnatrices de l’association oeuvre au quotidien en faveur du mieux-être et du mieux-vivre des patientes concernées. Cela se traduit par des classes et des ateliers onco-esthétiques gratuits au sein de son salon de soins, installé à Paris, et d’hôpitaux partenaires partout en France. À la clé ? Des soins et des conseils - soins du visage, maquillage, auto-massages - qui permettent non seulement à ces femmes d’aller mieux, mais aussi de s’initier à des techniques qu’elles pourront reproduire seules pour retrouver confiance en elles et mieux affronter les effets secondaires des traitements et de la maladie.
« Les cosmétiques ne sont pas seulement des produits destinés à améliorer l’apparence, ils permettent aussi de prendre soin de soi, de se détendre et de se sentir bien dans sa peau », explique Emmanuelle, l’une des bénéficiaires de ces ateliers. Et d’ajouter : « Ils m’ont aidé à me réapproprier mon image et à me sentir plus à l’aise malgré les changements physiques causés par les traitements ».
Informée de l’existence de l’association par son équipe médicale, Emmanuelle estime que ces ateliers l’ont aidée à regagner confiance en elle, et lui ont offert une forme de soutien. « Je suis extrêmement reconnaissante pour ces ateliers. Ils m’ont aidée à me sentir plus confiante. J’ai appris des techniques pour prendre soin de ma peau, et j’ai également eu l’occasion de rencontrer d’autres femmes qui traversent la même épreuve que moi. Ces ateliers ont été une source de soutien et de réconfort dans cette période difficile », confie-t-elle.
« Une véritable bouffée d’air frais »
Comme les quelque 4.600 personnes qui bénéficient chaque année de ces ateliers, Emmanuelle a appris à réaliser des soins d’hydratation du visage, à se maquiller pour obtenir un effet bonne mine, et à prendre soin de ses mains et de ses ongles. Et si ces ateliers lui ont permis de renouer avec son corps, et de mieux gérer les effets secondaires du traitement, ils ont également représenté « une véritable bouffée d’air frais » sur le plan mental. « Ils m’ont offert un espace pour me détendre et me concentrer sur moi-même, loin des contraintes et du stress de mon traitement », explique-t-elle.
Des bienfaits, à la fois physiques et psychologiques, mis en avant par la grande majorité des patientes qui ont déjà eu l’occasion d’expérimenter ces soins spécifiques. Une enquête, menée entre septembre 2022 et juin 2023 auprès de 338 femmes ayant participé à un atelier ou une classe Belle & Bien, montre que plus de neuf bénéficiaires sur dix ont ressenti les effets positifs des produits de soins et/ou de maquillage sur leur confiance en soi. Les ateliers se sont quant à eux avérés bénéfiques pour le bien-être (77%) et la confiance (23%) de nombreuses participantes. D’après Guillaume Adam, « ces chiffres démontrent que les ateliers et soins aident les femmes à prendre conscience de l’importance de prendre soin d’elles-mêmes au quotidien, ce qui contribue à leur bien-être et à leur confiance en soi ».
Partie intégrante du parcours de soins
L’impact de ces soins et de ces ateliers se révèle même encore plus important, au-delà des effets thérapeutiques ressentis. Tel un effet boule de neige, ils permettent également d’améliorer la qualité d’hospitalisation des patientes, et de (re)trouver la force d’affronter la maladie. « L’étude souligne également que le ’prendre soin de soi’ peut être un moyen de résilience face à la maladie. Les ateliers permettent aux femmes de se réapproprier leur corps et de retrouver un sentiment de contrôle. Le fait de prendre soin de soi peut aider les patients à adhérer aux recommandations médicales et à mieux faire face aux traitements », observe le directeur général de l’association.
Pour Emmanuelle, cet accompagnement via la cosmétique s’avère également primordial dans le processus de guérison. « Avant, je pensais que le traitement du cancer se limitait aux interventions médicales, comme la chirurgie, la chimiothérapie ou la radiothérapie. Mais grâce à cet atelier, j’ai réalisé que le bien-être physique et psychologique joue également un rôle crucial dans le processus de guérison. Comme d’autres soins de support d’activités physiques ou de conseils nutritionnels ».
Reconnus en France comme « soins oncologiques de support », qui regroupe « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie » d’après l’Institut national du cancer, les soins socio-esthétiques sont prodigués par de nombreuses associations, à l’instar de Belle & Bien, CEW France, Rose Up, ou encore Éveil des Sens, voire par des socio-esthéticiennes indépendantes. S’il s’agit essentiellement de soins dermatologiques et de maquillage, que ce soit pour lutter contre la sécheresse cutanée ou dissimuler une cicatrice, les femmes peuvent également se voir donner des conseils sur la pose d’un foulard ou d’une perruque. Tout est mis en oeuvre pour les aider à mieux vivre les bouleversements induits par la maladie.