Les fruits toujours très en vogue

La déferlante de notes fruitées à laquelle nous avions assisté lors du salon Esxence au mois de mars se poursuit six mois plus tard. Un engouement sans doute lié à leur souffle joyeux et coloré : un concentré d’optimisme appréciable en temps de crise ! Mais aussi aux innovations des maisons de composition, (headspace, extractions Firgood chez dsm-firmenich, Symtrap chez Symrise, upcycling), qui offrent un rendu plus naturaliste au fruit, à l’image des AromaSpaces (mangue, fraise, goyave, poire Williams), que CPL Aromas a présenté en marge du salon.

Cultiver d’autres horizons gustatifs

Les créateurs continuent d’explorer la gourmandise autour de nuances salées, torréfiées, ou céréalières …

En vogue depuis quelques années, le café offre des facettes gustatives intéressantes. Il nimbe le bois de oud d’une touche onctueuse chez Caron pour Oud Excelsa. Ses notes sombres, intenses, contrastent avec la fraîcheur vive de la cardamome, ciselant des effets d’ombre et de lumière, pour Kawa Karda d’Atelier Des Ors, l’un des deux extraits de la nouvelle Collection Abstraction. L’autre opus, Cocoa Kimiya, oppose aux notes fusantes de la cardamome, la richesse du cacao, autre note gustative assez tendance. On la retrouve dans la dernière création de Pour Rêver de Maison Violet, son amertume équilibrant la rondeur de la vanille, ourlée de rhum, d’iris et de bois. Une structure habillée d’un accord marron glacé, qui s’inscrit dans la tendance des fruits à coque.

Le cacao se glisse aussi dans la composition de 502 Iris Cartagena, le dernier-né de Bon Parfumeur, où il épouse l’iris et le rhum dans un accord gourmand sec.

Les notes liquoreuses ne sont d’ailleurs pas en reste. Outre le rhum, le whisky s’invite dans plusieurs lancements de rentrée, à l’image du Dandy chez Penhaligon’s ou de Old Fashioned (By Kilian), où il côtoie un absolu de son de blé, autre ingrédient trendy qui permet d’explorer des facettes céréalières. Rhum et davana habillent l’accord brioche-fleur d’oranger de Story of Your Life, le tout nouveau État Libre d’Orange. Un lancement qui s’inscrit dans la vague des néo-gourmands (pain, brioche, madeleine etc..), jouant de cacao amer et de bois pour en nuancer la rondeur. Enfin, Versatile pousse encore plus loin la découverte de nouveaux terrains gustatifs avec La Foncedalle. Une création de Margaux Le Paih-Guérin (Flair) aux notes de “bière, de weed …. et de poulet rôti”.

Le bois de oud se renouvelle

Si le bois d’Agar est incontournable depuis la déferlante des années 2010, il a laissé place à des accords crémeux et réconfortants depuis la crise sanitaire. Cette année, le bois de oud m’a pourtant semblé très présent sur le salon. Il se révèle sous un jour plus clair et aéré. Les marques ou parfumeurs sélectionnent des essences moins animales, habillées de notes fraîches ou fruitées, pour ciseler un oud “blanc”. Je pense, notamment, à Oud in White, une création de Julien Rasquinet pour Laboratorio Olfattivo, qui mêle le bois d’Agar à des nuances florales et fruitées. Mais aussi à Air Oud chez Oh Top, qui habille le fameux bois d’une facette “propre” et de fleur d’oranger. Lorsqu’il n’épouse pas des notes plus fraîches, le oud se fait “velours”, à l’image de Oud Ghazal chez Edeniste, un oud délicat, aux accents fruités sombres et liquoreux. Chez Caron, le oud Aquilaria Crassna, une variété moins animale que d’autres, épouse la texture crémeuse d’un extrait CO2 de café.

Et quand on parle de oud, difficile de ne pas évoquer le Moyen-Orient. Ce marché amoureux du parfum et des belles matières, reste très attractif pour les marques. 100 Bon a par exemple dévoilé L’Atelier, une nouvelle collection, aux influences orientales. Les créateurs de la marque Alexandre J ont annoncé le lancement d’une marque arabe, Hajine. Les marques de la péninsule arabique étaient d’ailleurs plus nombreuses lors de cette édition.

Les gammes s’enrichissent d’extraits

À l’opposé des parfums de peau aux effets crémeux, en vogue dernièrement, le public recherche également des parfums opulents, à la tenue irréprochable. Une quête d’intensité qui incite les marques à proposer des extraits de parfum, qu’il s’agisse de nouveautés ou de versions plus puissantes de leurs best-sellers.

Au-delà d’une plus forte concentration, le lancement d’un extrait permet aussi de dévoiler de nouvelles facettes d’un parfum. On pense, récemment, à la collection d’Extraits de Matière Première, aux versions “Perle” de Gardénia, Le Lys Noir et La Route d’Emeraude chez Isabey. La maison Ormaie propose deux extraits, Yvonne et Toï Toï Toï, qui revisitent l’ADN de la fragrance orignale. Une Nuit Nomade a dévoilé une jolie gamme d’Extraits de Voyage, où un retravail des Jardins de Misfah côtoie deux nouveautés à part entière. On observe la même démarche chez Bon Parfumeur (502, 107 et 602), chez Essential Parfums, avec l’extrait de Bois Impérial, ou chez D’Orsay (Flower Lust, Tonka Hysteria et Incense Crush). D’autres marques devraient suivre cette tendance l’an prochain.

Dans cette même logique d’extension de gamme, certaines maisons de parfum déclinent leurs best-sellers en brume pour cheveux, crèmes pour le corps et pour les mains.

Ces tendances fortes se retrouvent dans les lancements qui ont rythmé la rentrée parisienne. Toutefois, de nombreuses marques présentes à Cannes ont préféré attendre quelques mois pour présenter des nouveautés. En effet, le salon Esxence a été avancé au mois de février 2025, diminuant ainsi l’intervalle entre les deux événements. À suivre…

Pour aller plus loin…

Cinquième Sens proposera un atelier sur les dernières tendances olfactives, en clôture du prochain Fragrance Innovation Summit, le 27 novembre 2024 à Paris : www.fragranceinnovation.com