Tout commence en 1830 lorsque le Comte Alfred d’Orsay crée un parfum destiné à son amour secret Lady Blessington. Un parfum intime, et mixte avant la lettre. Lorsque ses héritiers en retrouvent les formules, ils ont l’idée de fonder en 1865 une maison bénéficiant de la réputation du dandy avant-gardiste.

Depuis, les parfums D’Orsay ont traversé les années, changé plusieurs fois de mains, avec des heures de gloire dans les années 1920-1930, où jusqu’à 5 millions de bouteilles par référence sont vendues chaque année, notamment dans leurs boutiques du 17 rue de la Paix à Paris et de la 5th Avenue à New-York. Relancée par Marie Huet qui en fait l’acquisition en 2007, la marque est alors diffusée confidentiellement dans le réseau « niche ».

Depuis 2015, D’Orsay fait partie du groupe familial Æra Nova, aux côtés de la joaillerie Statement, des soins Holidermie (marques créées ex-nihilo) et du domaine viticole Château Malromé qui offre des expériences hôtelières, artistiques et de bien-être. Æra Nova est co-dirigé par Amélie et Mélanie Huynh, deux sœurs qui ont reçu en héritage l’amour du beau et l’esprit d’entreprise d’une mère française et d’un père chinois du Cambodge.

Un branding repensé

« Quatre années de réflexion et de travail en amont ont été nécessaire afin de réactualiser cette marque devenue datée au fil du temps », confie Chloé Prigent. « Au-delà des formules des parfums, dont beaucoup ont disparu, il a fallu construire une architecture de marque en restant fidèle à l’histoire. Notre signature ‘Parfums nés d’un battement de cœur’ renvoie aux origines. Nous avons choisi comme fil rouge l’exploration des états amoureux. Ce thème a une portée universelle », renchérit Amélie Huynh.

Chaque parfum est ainsi baptisé de quelques mots qui semblent issus d’un billet doux signé d’initiales. La correspondance secrète des amants a été brûlée mais le naming des parfums attise l’imagination. Les dénominations se calquent sur le même modèle sémantique, tel À cœur perdu. L.B., qui est une réinterprétation par Fanny Bal du parfum L’étiquette bleue. D’autre part, les quinze parfums d’intérieur se présentent comme des messages codés pour des rendez-vous amoureux (00.30 En bas de chez toi).

Une ligne olfactive contemporaine

L’un des succès historique, Tilleul, conçu en 1915 a été ré-écrit par Olivia Giacobetti en 1995, qui a dû le remastériser en 2020 pour contourner l’interdiction du Lilial. Il est aujourd’hui commercialisé sous le nom Vouloir être ailleurs. C.G. et a toujours ses fidèles.

Mais si D’Orsay entend capitaliser sur son histoire, la marque ne souhaite pas pour autant s’enfermer dans une parfumerie passéiste.

La marque a notamment pris le parti de créer des parfums mixtes puisque c’est ainsi qu’Alfred d’Orsay les concevait. Ainsi Sidonie Lancesseur a eu pour mission de fusionner deux références, la version féminine de Le Dandy imaginée 1925 par Henri Robert et sa version masculine de 1999 pour créer Dandy or not. G.A.

Fabricants français

« La fabrication est française afin de rester cohérent avec la proposition de valeur de la marque », déclare Amélie Huynh. La jeune cheffe d’entreprise n’a pas hésité à prendre des risques en investissant d’entrée de jeu dans un moule dessiné en interne. « Un flacon simple mais unique, gravé au nom D’Orsay, et qui laisse sa place au jus ».

Le flacon est produit par les Verreries Brosse (groupe Zignago Vetro). Le capot aimanté est en bakélite produit par Technicaps. Les verres à goderons destinés aux bougies sont fabriqués par Waltersperger.

« Rien n’a été laissé au hasard » poursuit Amélie Huynh. Les coffrets réalisés chez Inpack’t et MR Cartonnage adoptent un vert anglais, clin d’œil au sang irlandais de Marguerite Blessington.

Distribution ultra-sélective

Côté distribution, la marque s’est incarnée dans une boutique située 44 rue du Bac, à Paris. « Nous avons souhaité ancrer la marque dans un lieu qui représente nos valeurs », explique la dirigeante. « Une boutique, conçue comme un espace hors du temps, caractérisée par ses matières nobles en travertin, noyer et laiton et la verticalité de ses lignes ».

Ce premier écrin a été rapidement suivie par l’ouverture d’une deuxième boutique à Tokyo.

Fin 2024, la marque propose une collection de 17 parfums mixtes, distribués dans plus de 250 points de vente (Europe, Asie, USA, Australie, Afrique du Sud) et emploie une douzaine de collaborateurs. Le CA de la société connait une croissance annuelle d’environ 50%.

Le best-seller mondial est actuellement Sur tes lèvres. E.Q. signé Dominique Ropion (IFF). Le parfum Une Rose au paradis. R.B est le best-seller en Corée du Sud. Le parfum Sweet Disruption. W.T. a été lancé en prioritairement au Japon en 2024. « Pour le moment, en Asie, nous avons du succès au Japon et en Corée du Sud car ces clientèles sont très attachée aux détails et réceptives aux subtilités de notre marque », explique Amélie Huynh.

Les parfums adoptent désormais des appellations plus simples qui annoncent clairement le type de fragrance et une matière. « Nos clients étrangers ne parviennent pas à mémoriser les noms si français des fragrances et les désignent souvent simplement par les initiales », remarque Chloé Prigent.

Pour faire face à la demande de parfums intenses, D’Orsay vient de lancer trois extraits aux noms évocateurs : Flower Lust, Tonka Hysteria et Incense Crush signés respectivement par Dominique Ropion (IFF), Jordi Fernandez (Givaudan) et Julien Rasquinet (CPL Aromas). Des philtres d’amour qui adoptent les codes de langage internationaux.