En Australie, les marques vont devoir faire preuve d’imagination pour s’adresser aux adolescents. Le Parlement du pays a approuvé jeudi 28 novembre une loi interdisant l’accès aux réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, l’une des mesures les plus strictes au monde en la matière pour des plateformes comme X, TikTok, Instagram ou Facebook.

Le texte, qui a obtenu le feu vert des deux chambres du Parlement et un soutien des principaux partis, devrait obliger prochainement ces plateformes à prendre "des mesures raisonnables" pour empêcher les enfants et jeunes adolescents d’avoir un compte. En cas de non-respect de cette obligation, des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions de dollars australiens (30,7 millions d’euros) s’appliqueront.

Meta, maison mère de Facebook et d’Instagram, a regretté que n’ait pas été pris en compte ce que le secteur "fait déjà pour assurer des expériences appropriées en fonction de l’âge", tout en assurant que la loi serait respectée.

Le texte, dénoncé comme "précipité", "flou" et "problématique" par plusieurs plateformes, a obtenu le feu vert du Sénat australien jeudi, par 34 voix pour et 19 contre, après celui de la Chambre basse australienne la veille, et son entrée en vigueur ne fait guère de doute.

Le Premier ministre de centre-gauche, Anthony Albanese, qui se prépare à des élections en début d’année, s’est fait le champion de ce texte, et appelé les parents d’enfants à faire bloc avec cette loi. Avant le vote, il a accusé les réseaux sociaux d’être "une plateforme favorisant la pression sociale, un source d’anxiété, un canal pour les escrocs et, pire que tout, un outil pour les prédateurs en ligne" et souhaité que les jeunes Australiens "lâchent leurs téléphones et se retrouvent plutôt sur les terrains de foot, de cricket, de tennis, de volley ou à la piscine".

Anthony Albanese a estimé vendredi devant des journalistes que l’interdiction donnera "de meilleures perspectives et fera moins de mal aux jeunes Australiens", tandis que les plateformes auront "une responsabilité sociale". Le gouvernement n’attend pas une mesure parfaite, "mais nous savons que c’est la meilleure des choses à faire", a-t-il ajouté.

La loi ne rendra pas "les réseaux sociaux plus sûrs pour la jeunesse", a estimé au contraire l’élue écologiste australienne Sarah Hanson-Young lors du débat au Sénat, se disant "dévastée" de voir les jeunes "drogués à ces dangereux algorithmes".

"Je trouverai un moyen"

De jeunes Australiens disent déjà leur intention de contourner cette interdiction. "Je trouverai un moyen, et mes amis feront pareil", a confié à l’AFP Angus Lydom, 12 ans, qui souhaite continuer à être sur les réseaux sociaux : "Ce serait bizarre de ne pas les avoir et de ne pas pouvoir parler à mes amis quand je suis à la maison", dit-il.

De même pour Elsie Arkinstall, 11 ans, pour qui les réseaux sociaux ont toute leur place, même pour les enfants, pour regarder par exemple des tutoriels de pâtisserie ou d’art. "On ne peut pas apprendre tout ça dans les livres", selon elle.

Sur le papier, l’interdiction australienne est l’une des plus strictes du monde. Mais le texte ne fournit quasiment aucun détail sur ses modalités d’application, si bien que certains experts ont exprimé des doutes sur la faisabilité technique de cette interdiction et se demandent s’il ne s’agit pas d’un texte à la portée symbolique, mais inapplicable.

Il faudra compter au moins un an avant que la loi n’entre en vigueur, le temps pour les régulateurs australiens d’éclaircir les détails relatifs à son application. Meta a dit sa détermination à ce que "les règles soient appliquées systématiquement pour toutes les applications de réseaux sociaux utilisées par les adolescents".

Certaines plateformes comme WhatsApp et YouTube, dont les adolescents ont besoin pour faire leurs devoirs, devraient par ailleurs être exemptées.

Des amendements ont été apportés au texte pour empêcher que les utilisateurs ne doivent produire leur carte d’identité pour attester de leur âge.

Un porte-parole de Snapchat a assuré à l’AFP que le réseau allait collaborer pour "aider à développer une approche qui équilibre confidentialité, sécurité et applicabilité".

Des programmes enseignant aux enfants à réfléchir "de manière critique" à ce qu’ils voient en ligne devraient être adoptés, selon Susan Grantham, experte en réseaux sociaux.